Le bulletin de l’ECiDé : Mai 2020

Contexte :

Le mois de Mai a entériné le climat morose constaté en Avril. L’économie du pays est au plus mal. Sur le plan sécuritaire, la RDC fait face à une recrudescence des violences sur les populations civiles et pas moins de 6 armées étrangères sont en action sur le territoire congolais. La population  se demande s’il s’agit là des retombées des voyages coûteux de l’équipe Tshisekedi à l’international ou si nous assistons à une véritable conflagration de la nation consécutive à une absence totale de leadership au sommet de l’Etat.     

Covid-19 :

Alors que les événements politiques et la théâtralisation du procès des 100 jours détournent l’attention du public, la pandémie de COVID-19 continue sa progression exponentielle dans notre pays.  On observe un certain relâchement dans le chef de la population à cause  d’une communication officielle qui se révèle être toujours aussi cacophonique. ce  Alors que sous d’autres cieux la force publique a su mobiliser l’ensemble des couches de la société pour faire face à cette menace commune, en RDC les hésitations et le climat de méfiance ambient font le nid du virus. A titre d’illustration, le 1er Mai, les chefs religieux ont fait volte face et rechigné à piloter le fond national de solidarité contre le COVID-19. En effet, l’annonce d’une telle participation avait choqué l’opinion tant le régime actuel est caractérisé par la corruption et la gabegie. Dès lors, un tel parrainage aurait été imprudent de la part des hommes de Dieu surtout dans la très probable éventualité de détournements de fonds. 

Au chapitre des bonnes nouvelles, il sied de noter l’annonce du 5 mai signalant “la fin de l’épidémie importé” selon le Docteur Muyembe. En somme, les nouvelles contaminations sont locales ce qui circonscrit le champ d’action des professionnels de la santé. 

Toujours au chapitre des bonnes nouvelles, notons l’ouverture du premier centre de dépistage massif du pays au stade des martyrs. Bien que les capacités de diagnostic restent relativement faibles, nous saluons tout effort allant dans le sens de les accroître. 

Justice : 

Dans le volet justice, la Présidente de l’Assemblée nationale, Jeanine Mabunda, dans un entretien accordé à Jeune Afrique se demande: “sommes-nous dans une république des juges ?” La question fait sourire venant d’une personnalité issue des rangs d’une famille politique (FCC) qui a érigé l’impunité en mode de gestion pendant 18 ans de règne. Néanmoins, elle a le mérite de révéler un malaise profond dans le fonctionnement des institutions. En effet, “le deal” ayant distribué aux coalisés des pôles de pouvoirs en faisant fi d’une  vision commune, si tant est qu’ils  en aient  une, a plongé le pays dans un cycle permanent de bataille rangé afin de protéger des parcelles de pouvoir stérile. Cela se traduit par une situation où l’on se règle des comptes à travers une justice instrumentalisée, tiraillée entre deux pôles avec quelques indépendants au milieu. 

Ce manque de convergence institutionnelle qui bride la marche de la république s’est encore illustré en Mai lorsque le Sénat, dominé par le FCC, a unanimement rejeté une procédure visant à faire la lumière sur plus de 4 millions de dollars de dépenses hors budget ordonnée par son Président, le très controversé Alexis Thambwe Mwamba. 

Si RFI et quelques médias locaux se sont emparés de l’affaire et on fait des révélations fracassantes sur les liens entre Thambwe Mwamba et le clan Kabila avec l’homme d’affaires indien, Harish Jagtani, qui s’est vu octroyé le marché sans appel d’offre, la réalité n’en demeure pas moins qu’en l’absence de toute forme de légitimité, les institutions de la république sont mises au service de ceux qui les contrôlent selon que les circonstances leurs soient favorables ou défavorables.        

Toujours dans le volet justice, il est important de préciser que les multiples affaires qui visent très souvent des proches de Mr. Tshisekedi ne doivent pas occulter le fait qu’il est responsable de leur nomination. Ainsi, il est le premier responsable morale des multiples délits auxquels se livrent ses collaborateurs. Ce manque de discernement et de leadership au sommet de l’Etat coûte à la RDC un retard dont elle n’a plus le luxe de creuser. C’est la nation tout entière qui paye cette incompétence et c’est plusieurs générations futures qui partiront avec un handicap.   

Corruption : 

Face à un bilan qui s’annonce dors et déjà négatif, M. Tshisekedi tente de sauver la face auprès des bailleurs en pointant du doigt la multitude de dossiers judiciaires en cours pour se targuer d’avoir instauré une lutte sans merci contre la corruption. Non seulement cette lecture des événements est mensongère, elle montre également le manque de pouvoir de l’intéressé. Car, la justice que les congolais et la communauté internationale attendent réellement c’est celle qui doit faire la lumière sur les milliards de dollars détournés lors du règne brutal de Joseph Kabila. Sur ce point, silence radio. Il y’a même un “refus de fouiner” selon les propres dires de M. Tshisekedi. Aujourd’hui plus que jamais le fils du sphinx apparaît comme un homme seul dans une prison dorée dans laquelle il s’est enfermé, foulant au passage 37 ans de lutte de son illustre père. 

L’occasion pour nous de noter qu’il y’a aujourd’hui en RDC une corruption institutionnalisée. Elle s’opère à travers des avantages obscènes, accordés aux agents d’institutions budgétivores, au chef duquel se trouve la présidence de la République qui est constamment en dépassement budgétaire. 

La tête ne prêchant pas par l’exemple, le climat est devenu propice à tous les excès. C’est dans ce contexte de dilapidation des deniers publics que deux projets de décret ayant pour objectif d’accorder des avantages financiers ad vitam eternam aux ex-présidents, ont été dévoilés au conseil des ministres le 5 Mai 2020. La lutte contre la corruption ne demeure donc qu’un slogan.

Sécurité : 

En matière de relation internationale il n’y a que les rapports de force qui compte dit-on. Malheureusement, la RDC de 2020 est à l’image de celui qui la préside, faible. C’est ainsi que du nord au sud et de l’est à l’ouest, les armées de 6 voisins (Rwanda, Ouganda, Burundi, RCA, Sud Soudan, Zambie) se permettent d’entrer sur notre territoire. Tantôt pour annexer, tantôt pour piller nos ressources, tantôt pour faire la guerre et semer la désolation chez nos populations. Dans pareil contexte, seul un pouvoir légitime est capable de mobiliser la nation tout en entière dans un élan patriotique pour préserver la souveraineté du territoire national. L’administration Tshisekedi continuera à jouer un double jeu qui consiste à taper du poing face caméra tout en restant passif sur le terrain.   

Outre les incursions des armées étrangères, c’est le sort des civils qui inquiète. Les récents massacres en Ituri ont poussé des centaines de milliers de personnes sur les routes de l’exode. Profitant du chaos, certains groupes armées comme le NDC rénové, ont consolidé leur position et étendu leur contrôle sur les réseaux de contre bandes minières.

C’est dans ce contexte que le Dr. Mukwege a déclaré le 18 Mai que “la pandémie de COVID-19 ne doit pas nous faire oublier les massacres endémiques en RDC.” Dans la foulé, le 21 Mai, le Président Fayulu a chargé le pouvoir dans un tweet : “La RDC est à feu et à sang. Massacres en Ituri, insécurité croissante dans les grandes villes, troupes étrangères en expédition dans les quatre coins du pays, incompétence dans la gestion de la covid-19, corruption endémique. Vous avez détourné la volonté du peuple pour cela ?” 

Au-delà de ces violences qui assombrissent toute perspective de développement durable, on constate désormais plusieurs morts inopinés. Sans vouloir verser dans la spéculation plusieurs d’entre elles portent le sceau de l’assassinat. Dans un communiqué publié le 30 Mai, le Président Fayulu a fustigé ces “morts suspectes qui sont devenues monnaie courante et banales en RDC.” 

Economie : 

Sur le plan économique, pas grand-chose à noter, si ce n’est que la banque mondiale a octroyé $445 millions de dollars supplémentaires pour soutenir les communautés vulnérables en RDC. Dans sa configuration actuelle, la RDC reste un pays sous perfusion de la communauté internationale.  

Conclusion : 

La RDC est paralysée. Pendant que le paysage médiatique ressasse au public les soubresauts de la coalition au pouvoir, la nation se meurt à petit feu. Il n’y a aucune vision de développement du pays mise en action et les détenteurs illégitimes du pouvoir utilisent les antagonismes entre populations pour préserver ce qu’ils ont indûment acquis. L’épisode de la déchéance de Jean-Marc Kabund de son fauteuil de premier vice-président de l’assemblée nationale, résume à lui seul le climat politique. Le pouvoir pour le pouvoir. Le peuple, après.  

Le Bureau d’Etudes et de Stratégies (BES)

 

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